Episode II

12 décembre 1718C’est encore moi qui écrit. Comme el Gatito ne sait pas lire je fais ce que je veux. De toute façon je suis un homme maintenant. On a échangé un pistolet volé contre des filles et du rhum. Et puis j’ai bientôt treize ans. Alors je fais ce que je veux. Il me dicte des trucs mais il est tellement bourré que de toute façon je comprends rien. Il est marrant. Il a l’air encore plus grand allongé dans sa bave. El Treto, le Moineau et le Gaucher nous ont trouvé un boulot sur le Sloop de Samuel Bellamy. Je sais pas qui c’est.

13 décembre 1718

Je suis Jesus Maria Hernandez, dit “el Gatito”. Je suis illettré et c’est Blanchette le borgne qui écrit sous la dictée pour moi. Que notre Seigneur le bénisse pour sa bonté. El Treto a été élu quartier maître.  C’est bien. Le Moineau aurait pas été bon. Je me méfie de la Souris. Il ricane quand il écrit. En plus il traine toujours aux putes. Nous sommes membres de l’équipage de Black Sam. Pour cinq pièces de huit et une part du magot. On doit retrouver les femmes de Barbe Noire. Il aurait tatoué le morceau d’une carte au trésor sur chacune d’entre elles. Quatorze. Un certain Siméo a volé un dessin représentant le premier tatouage. La femme qui le portait est morte. C’est Israël Hands qui l’avait. Je le croyais mort. Quand Maynard a tué le commodor, il était parti à terre avec le bateau qui porte son nom pour se faire soigner. Barbe noire lui avait tiré dessus. Ce ne sont pas des choses qui se font.

14 décembre 1718

J’ai piqué le carnet d’el Gatito. Il est encore bourré. Qu’est-ce qu’il est grand ! Je suis retourné aux filles! Je suis un pirate ! Je fais ce que je veux ! “La Souris”? “Le Taureau” qu’ils vont m’appeler bientôt!

(dessins approximatifs de parties génitales diverses dont certaines sont lourdement disproportionnées voire imaginaires).

El Treto, le Moineau et el Gatito sont partis cette nuit parce que Charles Vane a voulu aussi nous recruter pour la chasse au trésor. Ça fait du monde sur le projet et il parait que Vane est pas un tendre. Mais il paie mieux. Seulement les autres ils ont de l’honneur. Alors ils ont zigouillé le type qui les filait pour Vane. Il aime pas les refus le gars. Alors el Trero il s’est procuré des explosifs et pendant qu’il faisait diversion avec le Moineau, le gros Gatito il a nagé jusqu’à leur barcasse et il a fait sauter la coque. Des semaines de réparation. Là ils sont rentrés picoler, c’est pour ça que c’est moi qui écrit. En plus Nassau est à feu et à sang parce que Vane il est pas content. Rapport à son bateau. Je vais pisser dans les bottes d’el Gatito. Parce c’est rigolo.

15 décembre 1718

Je suis Jesus Maria Hernandez, dit “el Gatito”. Je suis illettré et c’est Jean le tavernier qui écrit sous la dictée pour moi. Que notre Seigneur le bénisse pour sa bonté. On est parti en mer pour revenir en canot. Plus discret. Y a une des filles tatouée qui fait la pute. C’est toutes des putes.

Je continue à écrire même si le gros bonhomme au perroquet est plus très cohérent. Sa femme elle l’a quitté au gros gars bourré qui veut j’écrive et la mienne aussi elle est partie. C’est que des putes. Y a un gosse avec eux et un autre qu’ils appellent le Gaucher. Il veulent regarder toutes les putes de la ville pour trouver un tatouage ! Autant chercher une vierge dans une botte de putes ! Salopes. Salopes. Salopes. Le gamin il s’en fout il veut juste consommer de la fille. Les autre en bas ils sont sur leurs gardes. Le gros gars il dit qu’il est trop dur avec le petit. Il a fait des dessins sur le carnet. On dirait qu’il a essayé de dessiner le gros bonhomme qui picole sévère sur la page d’avant. Ça l’a touché. Là il divague en injuriant les femmes. Toutes les femmes. C’est un bon gars. Je remplis son verre gratis. Il en a besoin. Ses copains redescendent. Il en ont pour des jours s’ils veulent reluquer chaque centimètre carré de peau de toutes les roulures du port. J’ai installé le gars sur un vieux fauteuil en le traînant par les pieds. Mon Dieu venez-nous en aide, il a les bottes qui sentent la vieille pisse. Ca masque jusqu’à l’odeur de ses fringues…